Flemme de continuer - déso
Lors d'une promenade le long de la Seine, en passant sous le pont de Saint-Pierre j'ai remarqué cette inscription, qui m'a intriguée : "Flemme de continuer déso".
Flemme de continuer quoi ?
le chemin ?
la promenade ?
une relation ?
des études ?
un projet ?
la vie ?
J'ignore à qui ce message tagué s'adressait.
Je sais qu'il m'a rappelé de nombreux souvenirs, des moments pendant lesquels j'ai eu la flemme de continuer.
Des moments où j'ai trouvé plus confortable de rebrousser chemin... ou d'arrêter là...
ou de ne pas y aller, simplement.
Des périodes plus ou moins longues au cours desquelles, bah... l'appel du canapé était plus fort que l'appel de l'action !
Ben oui, pour obtenir quelque chose, la flemme n'aide guère.
Quand on a tellement la flemme, qu'on écrit "déso" au lieu de "désolé" - ou peut-être "désolée" - où peut-on trouver l'énergie d'avancer ?
Comment avancer sur le chemin, se donner la peine d'entretenir une relation, continuer des études ou mener à bien un projet , si on se laisse piloter par la flemme ?
Renoncer est tellement plus facile - même si, au fond, renoncer ce n'est guère confortable, n'est-ce pas, puisque le sentiment d'échec est là tout de même.
D'ailleurs, en ce qui me concerne : le sentiment d'échec engendré par l'inaction reste plus longtemps vivace que l'échec avéré après une tentative qui n'a pas réussi comme je le souhaitais.
Trop la flamme 🔥
Aujourd'hui je retrouve donc cette image, et je la mets en parallèle avec celles-ci :
J'écris ce post en août 2024, en pleine ferveur olympique.
Des milliers d'athlètes ont passé deux semaines à Paris, pour participer et pour certains peut-être gagner. Ou pas. C'est déjà un tel exploit d'être sélectionné pour participer aux JO. Certains savent bien qu'ils n'ont aucune chance de médaille dans leur discipline ou leur catégorie, mais ils sont là, avec la joie au cœur et la gnaque.
La foule, nombreuse, se presse et acclame les champions. Interviews, show, Club France, podiums, drapeaux de toutes les nations, effigies en carton, maquillage et perruques et déguisements, tout est là pour célébrer les succès.
Et j'ai l'impression que les supporters ne voient que le résultat : la qualification en finale, le podium, le titre de Champion Olympique ne sont que la partie visible.
Quand Léon Marchand (4 médailles d'or lors de ces Jeux + 1 de bronze en équipe) se lève à 5h15 tous les jours pour s'entraîner, il ressent probablement la tentation de la flemme ? or, il choisit d'activer en lui une autre énergie, il va chercher au-delà de la flemme.
Quand Novak Djokovic se bat pour enfin remporter, à 37 ans, le seul titre qui lui manque (99 titres dont 24 tournois du Grand Chelem), envers et contre tout au cours d'un match très serré, c'est parce qu'il choisit d'activer en lui autre chose que la flemme.
Crédit Photo Gloria Greco / Reuters
🔥 Tous ces sportifs atteignent le haut niveau parce qu'ils activent la flamme 🔥
C'est difficile.
La motivation, la régularité, l'entraînement, la patience, l'humilité.
Se contraindre à respecter un programme pour espérer un bénéfice différé.
Et ça finit toujours par rapporter autre chose de plus agréable à ressentir que ce sentiment d'échec latent, qui nous guette quand nous n'entretenons que la veilleuse de la flemme et du renoncement.
Il n'est pas nécessaire d'être sportif de haut niveau pour entretenir la flamme de la motivation sans avoir la garantie du succès, n'est-ce pas ?
Les entrepreneurs, les indépendants, les commerçants, savent bien que l'arbitrage entre la flemme et la flamme représente un défi permanent... et peinent parfois aussi à se contraindre à respecter un programme dans l'espoir d'obtenir un bénéfice différé.
🫶🏻 Trop fort ! 🙏🏻
Il m'arrive de lire les commentaires de certaines personnes qui n'apprécient pas les JO, car ils estiment que le but d'une compétition sportive est d'écraser l'adversaire, ce qu'ils désapprouvent. Pourtant... cette flamme qui allume en nous la notion de dépassement de soi n'est pas synonyme de désir d'humiliation de l'autre.
Les autres sportifs sont des concurrents, pas des adversaires.
Concourir = courir ensemble.
Deux exemples et un contre-exemple pour illustrer cette autre vision de la compétition :
La réaction agressive de Guram Tushishvili qui tente d'intimider Teddy Riner
L'échange* empreint de respect mutuel entre Teddy Riner et Tatsuru Saito
L'attitude sur le podium de Simone Biles et Jordan Chiles, qui honorent la médaille d'or remportée par Rebeca Andrade.
Credit photo Gabriel Bouys / AFP
Tiens donc ? ce respect mutuel, cette émulation, cet esprit de conquête qui n'est pas synonyme d'esprit de revanche, cela me rappelle quelque chose...
Ah, oui : l'état d'esprit de l'entrepreneur qui souhaite développer son business, accroître son chiffre d'affaires ou le nombre de ses clients, mais qui ne souhaite pas terrasser la concurrence car il connaît l'importance de l'émulation, des synergies et des partenariats.
Comme l'écrit Fred Kofman dans son ouvrage L'entreprise Consciente [Comment créer de la valeur sans oublier les valeurs ] :
"La véritable finalité de l'entreprise - ou des compétitions sportives ou de toute autre activité concurrentielle - n'est pas de gagner tout court, mais de gagner la connaissance, l'actualisation et la transcendance du soi. C'est par les réponses que nous faisons aux situations auxquelles nous sommes confrontés que nous découvrons qui nous sommes vraiment et quelles valeurs nous défendons. C'est par notre comportement, par notre rapport aux autres et au monde, que nous affirmons nos valeurs."
Et Bertrand Piccard , rendu célèbre auprès du public notamment pour son tour du monde en ballon ainsi que pour l'avion solaire Solar Impulse, renchérit :
Devenir jour après jour meilleur que soi-même ?
Quel beau défi, quel beau projet de vie !
* Voici l'échange entre les deux judokas suite à la finale, remportée par TR :
« Cher Tatsuru Saitō, je tiens à affirmer, après notre dernier match, que ta performance impressionnante force le respect de tes adversaires, mon respect. Ta détermination et ta combativité m’ont impressionné et m’ont poussé à me dépasser. Ce fut un honneur de te rencontrer sur le tatami.
Les échecs font partie intégrante de notre progression et nous apprennent souvent autant, sinon plus, que les victoires. Je suis convaincu que tu reviendras encore plus fort.
Au plaisir de te revoir, mon ami ! »
"Teddy , c'est moi qui te remercie, cela a été un honneur de combattre avec une légende comme toi. S'il te plaît, accepte mon challenge dans quatre ans."
Comments